Partir en beauté (1)

Nous sommes rentrés, nous avons quitté cette ville de fous, nous avons laissé derrière nous les grosses voitures et les surfeurs. Nous voilà à présent posés sous le ciel pluvieux breton, goûtant au cidre tant regretté, savourant la petitesse de Rennes et ses rues piétonnes, redécouvrant le vrai pain.

Pourquoi « partir en beauté » ? Et bien parce que douze jours avant l’avion, nous avons déménagé, avons emmagasiné tout notre attirail dans un vrai camping-car américain, et avons roulé (et vécu !) dedans pendant près de 4000 kilomètres. Un vrai road-trip, de la Calfornie au Wyoming en passant par l’Arizona et l’Idaho, à la découverte de ce que l’Amérique a de meilleur à offrir en matières de parcs nationaux et de paysages sublimes.

nos points de passage – pour que ce soit plus clair

Première étape : se familiariser avec le véhicule. Nous avions déjà conduit une grosse voiture 4×4 lors de notre week-end au Joshua Tree Park, mais ce gabarit-là dépassait tout notre entendement. C’était un petit camion, en fait, avec le bruit approprié. Je n’ai même pas touché au volant une seule fois, tellement cette chose me terrorisait. Mais Thomas a su mener l’engin sans souci sur toutes les routes, du grand Freeway fluide à la petite route poussiéreuse et crevassée.

ARIZONA : PETRIFIED FOREST ET CANYON DE CHELLY

Après avoir traversé en voiture le Oak Creek Canyon pour nous mettre dans l’ambiance arizonienne, nous nous sommes attardés dans la Petrified Forest, le premier des parcs nationaux de notre périple. Comme son nom l’indique, il s’agit d’arbres pétrifiés. Oui, de vrais troncs d’arbres changés en pierre. Explication : la région aujourd’hui désertique était tropicale il y a 200 millions d’années, et les arbres tombés dans les rivières, lacs et marais ont été conservés par un processus de sédimentation spécifique. Petit à petit ils ont été transformés en pierre, et ressurgissent aujourd’hui à la surface avec l’érosion.

Chaque minerai donne une couleur de roche différente, et on peut donc compter plusieurs couleurs dans un même morceaux de tronc pétrifié. Ce parc était assez fascinant, avec ses milliers de spécimens étalés aux yeux de tous. Je me suis de nouveau sentie confrontée à l’histoire de la terre, et déroutée par elle. C’était tellement ancien que ça m’a paru fictif, presque extra-terrestre.

Nous avons ensuite passé une nuit et une journée au Canyon de Chelly. Situé dans la région administrative des Navajos et géré par les Indiens eux-mêmes, ce parc naturel nous a ravi par ses couleurs, ses roches douces mais imposantes, et la tranquillité qu’il dégageait. Les randonnées dans le canyon sont interdites à moins d’être accompagné d’un vrai guide Navajo, puisque la population qui y vit tient à ce que le caractère sacré de leur habitat soit respecté par les touristes. Le seul chemin qui est ouvert au public est le White House Trail, que nous avons donc emprunté pour descendre dans le canyon. Contrairement au Grand Canyon, qui peut difficilement s’apprécier d’en bas (sauf pour les plus aventureux), le canyon de Chelly est facilement accessible. Avoir les deux visions m’a ravie : d’en haut on a le sentiment que le canyon est un fait de la nature qu’on ne peut admirer que de loin, d’en bas on se sent protégé par l’hospitalité des grands murs rocheux, et on se rend compte que la vie y est possible. Tout au long du chemin de descente notre perception changeait ainsi.

Le White House Trail se terminait au pied de ruines indiennes, protégées par un grillage. J’ai beaucoup aimé l’atmosphère qui régnait dans cette endroit, avec un léger bruit de vent dans les arbres et le respect qu’on ressent devant ces anciennes habitations à flanc de roche. Les couleurs étaient encore plus somptueuses depuis l’intérieur du canyon, avec un contraste magnifique entre le rouge et le vert.

UTAH : MONUMENT VALLEY ET ARCHES NATIONAL PARK

Une fois la frontière entre les deux États franchie, on se retrouve dans la Monument Valley, toujours en terre Navajo, près de ces monticules de roches célèbres qu’on voit dans de nombreux westerns. C’est en voyant ces petits plateaux rocheux que je me suis bien sentie à fond dans notre road-trip : routes et roches, deux éléments essentiels de notre voyage dans l’Ouest infini que l’on retrouvera partout.

Parc national suivant : Arches. Là encore le nom est conforme au contenu du parc, qui met en valeur de nombreuses arches naturelles, dont la célèbre Delicate Arch qui orne les plaques d’immatriculation de l’Utah. Nous avons pu l’admirer au bout d’un chemin de randonnée d’une petite heure qui grimpait un peu, sur de la roche lissée par l’érosion et parsemée de végétation sèche. Le spectacle était saisissant, magnifié par une chaîne de montagnes.

Nous avons pas mal parcouru ce parc à pied, traversant tantôt des petits canyons ombragés, des étendues de sable ou des petites forêts. C’était très agréable, et malgré la chaleur nous étions à chaque fois récompensés par un beau point de vue sur le paysage ou sur une arche naturelle.

Il y a une continuité dans notre périple.. Chaque parc est différent mais comporte toujours des éléments en commun, liés bien sûr aux roches. Dures  et sèches avec la Petrified Forest et les paysages de l’Arizona, elles s’adoucissent dans le Canyon de Chelly, avant d’être quasiment polies dans Arches National Park. Finir par l’ouverture des arches constitue une bonne transition avec notre lancée vers  le Yellowstone, beaucoup plus loin et donc beaucoup plus différent que tout ce que nous avons vu jusque-là.