Intégration chez les Chinois de Melaka

Mlle Huang Shelley, proviseur de l’école chinoise indépendante de Pay Fong, a répondu de façon très enthousiaste à ma demande d’entretien. Je l’ai rencontrée vendredi matin, et me suis tout de suite sentie à l’aise avec elle, tant elle s’est décidée à me prendre sous son aile pour m’initier à la culture chinoise locale et à celle de son école. Après une rapide visite de Pay Fong, elle m’a emmené en voiture à une fête d’adieu d’un directeur d’une école primaire de Melaka. Cette fête fut pour moi un bain violent, mais très intéressant, dans la culture de l’éducation chinoise : décorations criardes, enfants scandant différents hymnes, petits cadeaux kitsch remis à chaque invité, discours sur la vie du proviseur, spectacle de danse et de tambours… j’étais scotchée, même si je ne comprenais pas les trois-quarts de la cérémonie.

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Nous sommes retournées à l’école Pay Fong, où un professeur d’informatique missionné par Mlle Shelley m’a invité à la cantine (qui possède un stand de nourriture végétarienne, bingo). Ce dernier m’a ensuite fait visiter le petit musée de l’école, où un vieux monsieur chinois m’a raconté en anglais la longue histoire de cet établissement. J’ai pu sentir à quel point il était passionné lorsqu’il me montrait et m’expliquait tous les objets et archives qu’il collectionne : livrets scolaires, lettres, photos… je suis restée pendue à ses lèvres pendant une heure.

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Voici une machine à écrire chinoise, avec environ 2900 petites touches, regroupant les caractères les plus courants. Elles peuvent être remplacées par d’autres touches lorsqu’il faut utiliser un caractère non présent dans la grille de départ.  Je n’ose imaginer de quelle dextérité et de quelle mémoire il faudrait faire preuve pour taper à cette machine…

Mlle Shelley est ensuite revenue vers moi pour m’emmener manger des boulettes de riz, spécialité typique de Melaka, en compagnie de deux instructeurs Pékinois qui visitaient eux aussi l’école Pay Fong (Maureen en mode « je pratique mon mandarin à FOND »). La sympathie naturelle qu’ont montré envers moi tous les Chinois rencontrés lors de cette journée m’a fait chaud au cœur. Je me suis sentie vraiment accueillie, et je suis particulièrement reconnaissante envers Mlle Shelley, qui me présentait avec enthousiasme à tout le monde, et faisait en sorte que je puisse trouver réponse à tout ce dont j’avais besoin pour mon mémoire. Elle a avoué qu’elle me trouvait très brave d’être venue seule en Malaisie, mais qu’elle s’inquiétait de la solitude que j’étais susceptible de vivre. C’est pourquoi, en plus de m’emmener partout avec elle, elle a demandé à un de ses élèves préférés de m’emmener faire un tour à Melaka ce week-end pour ressentir « the true spirit of the city ».

Ce matin, Mlle Shelley est revenue me chercher au pied de mon auberge pour m’emmener prendre un petit-déjeuner typique, puis rejoindre la cérémonie annuelle de commémoration des victimes Chinoises de l’occupation japonaise en Malaisie lors de la Seconde Guerre Mondiale. Les quelques personnes de Pay Fong avec lesquelles j’ai évoqué ce sujet ont toutes fait référence à l’horreur de cet épisode historique, que les jeunes générations avaient tendance à oublier. « The Japanese people hate the Chinese ». Les Japonais ont en effet massacré un grand nombre de Chinois de la péninsule, se sont emparés des écoles, en détruisant la plupart d’entre elles. Sur le chemin du retour, Mlle Shelley m’a montré un bâtiment utilisé pendant la guerre par les Japonais pour torturer les Chinois. « Maintenant ce bâtiment regroupe des associations caritatives, mais personne ne voudrait y rester la nuit… »

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Monument dédié aux victimes chinoises de l’occupation japonaise, avec le logo du Kuo Min Tang au sommet.

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À la fin de la cérémonie, Mlle Shelley m’a présentée à différents membres du bureau des directeurs d’établissements scolaires chinois. Malgré leur étonnement, tous se montraient ravis de voir qu’une Française travaillait sur l’éducation chinoise en Malaisie.

À l’origine, mon souhait pour cette année était de travailler sur l’éducation des Tamouls en Malaisie. Mais je ne regrette pas du tout le changement de cap qui m’a été imposé : tout en trouvant mon sujet de plus en plus passionnant, je me rends compte que la communauté chinoise de Malaisie est beaucoup plus accessible que la communauté indienne. J’essaierai de faire prochainement un article à ce sujet, mais il est vrai que ça ne représente pas la même chose pour les Chinois et pour les Indiens d’ici d’être face à une femme seule. Mlle Shelley me l’a formulé autrement de façon plus radicale, en me priant de « rester loin des hommes Indiens » lorsque je me promène dans la rue. À titre d’exemple, il est vrai que je me suis sentie plutôt mal à l’aise dans une grande partie des restaurants indiens que j’ai fréquentés, alors que ceux tenus par des Chinois ont toujours une ambiance plus rassurante et amicale. Je fais peut-être du culturalisme à deux balles, mais je compte tout de même réfléchir sur cet aspect de mon séjour.

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Dégustation de « White Coffee » typiquement malaisien. Devant : Mlle Shelley à gauche, et la vice-proviseur de Pay Fong à droite. Au fond : deux instructeurs Chinois venus de Pékin.

Un commentaire


  1. Eh bien ! Cette Mlle Shelley est une véritable aubaine dans ton parcours !!! Je me sens plus rassurée avec elle.
    Je suis contente que ce changement de sujet de mémoire soit finalement une « chance »…

    Dis, tu ne volerais pas la machine à érire pour moi ? (j’en fais collec’ et la chinoise est carrément inédite). Alleeeez !

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