Parenthèse cubaine : Viñales et Trinidad

Voici le second et dernier épisode de notre parenthèse cubaine. Après la Havane, nous avons pris un bus le 15 mars pour nous diriger vers la partie Ouest du pays, vers la vallée de Viñales.

Après presque 4 heures de trajet nous voilà débarqués dans ce petit village. À notre grande surprise, de nombreux locaux se sont jetés sur nous dès notre sortie du bus pour nous vanter les mérites de leur casa particular. Ayant déjà réservé la nôtre, nous avons préféré suivre notre plan. Nous sommes rapidement arrivés chez Lizette, qui nous accueilli très chaleureusement.

Puisque nous avions l’après-midi devant nous, nous avons décidé de monter au Mirador de los Jazmines, l’hôtel le plus huppé du coin depuis lequel, d’après le guide, il y avait une superbe vue sur la vallée de Viñales. En effet :

La vallée de Viñales et des mogotes

Les petites formations rocheuses sont appelées mogotes, et constituent, avec les plantations de cigares, le paysage typique de cette vallée. Sa beauté est célèbre depuis qu’elle a été inscrite au Patrimoine Mondial de l’Unesco en 1999. C’est donc également un Parc National protégé à l’échelle du pays.

Le soir nous avons profité de l’ambiance festive du village : un groupe jouait de la salsa sur la place principale, des vendeurs de mojitos se sont improvisés dans la rue, les touristes (très nombreux) faisaient la queue près d’un vendeur de petites pizzas à 1 CUC.

Le lendemain matin, nous sommes partis en direction de la grotte de Santo Tomas, à bord d’une vieille voiture américaine faisant office de taxi. Avec un groupe de dix touristes, nous avons suivi un guide, à l’aise dans la grotte comme un poisson dans l’eau, qui nous a conduit à travers les différentes galeries obscures. Nous étions tous munis d’un casque à lampe frontale, et avons pu ainsi admirer des formations rocheuses magnifiques, ainsi que quelques animaux timides : des chauve-souris, des crabes, et des insectes qui, je cite le guide, »ressemblent à des araignées mais ne sont pas des araignées parce qu’ils ont six pattes ». C’était assez sportif, avec des passages étroits et glissants, et des descentes à faire à la corde. Une fois arrivés au bout du chemin, et avant de reprendre en sens inverse, le guide nous a fait éteindre nos lampes. J’ai adoré ce court moment, où j’ai vraiment pris conscience d’être « dans » la terre, au milieu d’un silence impressionnant, mais finalement interrompu par le guide, qui a fait la blague de s’en aller et de nous laisser tout seuls.

L’après-midi, nous sommes allés faire un tour au jardin botanique de la ville, où une visite en français était déjà en cours. C’était un endroit très joli, mais difficile à prendre en photo, à cause des forts contrastes lumineux entre la lumière brûlante et l’ombre des arbres.

Nous avions pour ambition de profiter de l’ambiance festive de la place du village de la même manière que le soir précédent, mais surprise : il a plu des trombes d’eau dès le début de soirée. Cela nous a surpris, mais rafraîchis.

Le jour suivant, Thomas est parti seul avant l’aube (je n’étais pas aussi courageuse) pour photographier la vallée au lever du soleil. Il a pris le bus pour arriver à un bon point de vue.

La même journée, nous avons fait du CHEVAL. Thomas et moi ne sommes d’ordinaire pas très à l’aise avec ces bêtes-là, mais suite aux recommandations de notre hôte Lizette, qui affirmait que c’était la meilleure manière de découvrir des coins sympas de la vallée, nous nous sommes lancés. Un guide au chapeau de cow-boy est venu nous chercher, et nous avons fait la connaissance de Caramelo et Chocolate, nos deux montures pour les trois heures à venir. Nous sommes passés par des endroits superbes, où le rouge sang de la terre se mêlait à du sable blanc, où les pins verts se dressaient hauts dans le ciel bleu, où les mogotes lointains imposaient leur relief. Tout était calme, le silence étant uniquement ponctué des injonctions de notre guide à ses chevaux (« Carameeeeeeeelo », « Chocolaaaaaate »), quand le rythme n’était pas assez rapide pour lui.

Nous avons fait un premier arrêt dans une ferme de tabac. Le propriétaire, un cubain sympathique surnommé El negro (« le noir », mais il n’était pas noir du tout), nous a tout expliqué, en espagnol : la récolte des feuilles de tabac, leur séchage, le roulage du cigare. C’était passionnant. Nous avons profité de sa disposition à parler pour le questionner davantage sur les conditions de vie des agriculteurs, la place de l’État cubain (tous les fermiers doivent vendre 90% de leurs productions à l’État), la qualité des cigares. C’était un moment mémorable, au milieu de la verdure et du calme de la vallée, qui s’est terminé sur un cigare, que j’ai cette fois réussi à fumer.

Nous avons ensuite visité une ferme qui faisait du café, du miel, et du rhum. Mais cette étape était beaucoup moins authentique, et encourageait surtout la consommation touristique. Après cela, nous sommes remontés sur les chevaux pour retourner au village, les cuisses plutôt endolories mais des images plein les yeux.

Voici les photos de l’excursion :

Viñales, c’est fini ! Le 18 mars, direction Trinidad, dans le centre du pays. Nous avons pris le bus tôt le matin, prêts à affronter les dix heures de trajet. Heureusement, les bus longs trajets de Cuba sont moins fous qu’en Équateur (où un Cuenca-Quito peut se faire sans aucun arrêt en neuf heures de route dans la montagne), et nous avons donc profité de quelques pauses pour nous ravitailler et arriver (presque) frais et dispos à Trinidad.

Après un premier contact très chaleureux avec nos hôtes, Carlos et sa mère Ana, qui ont une petite maison avec un patio magnifique, nous nous sommes promenés dans les rues du centre historique de Trinidad. Cette ville est vraiment très touristique, et pour cause : les façades colorées des maisons sont autrement plus soignées qu’à La Havane, les rues pavées du centre sont interdites aux voitures, les mélodies de guitaristes se font entendre aux coins des rues. Lorsque j’ai aperçu, entre deux maisons, les montagnes bleutées du massif de l’Escambray, cette ville m’a fait penser à Cuenca. Mais elle a un avantage de taille : la mer toute proche, que l’on peut admirer depuis la Plaza Mayor.

J’insiste, peut-être lourdement, sur les façades : à Trinidad, chaque maison possède une teinte vive. Ces teintes varient entre quatre tons principaux : vert turquoise, bleu ciel, jaune, et bleu foncé. Un rose saumon ou un rouge-orangé peut parfois surprendre au détour d’une ruelle.

Le lendemain, après un excellent petit-déjeuner servi par Ana, nous avons continué notre promenade dans la ville, en visitant cette fois-ci certains lieux emblématiques. Nous avons pu admirer Trinidad depuis la tour du Palacio Cantero (ancienne demeure d’une famille qui vivait de la canne à sucre), nous avons flâné dans le petit musée d’art de la ville, nous nous sommes posés sur les marches de l’escalier près de l’église. Nous avons également dégusté le cocktail local, la canchanchara, à base de rhum, d’eau-de-vie, de citron et de miel. Délicieux !

Nous voici déjà le 20 mars, la fin du voyage approche ! Il nous reste encore deux jours à Trinindad. La veille, nous avons acheté un tour auprès d’une agence pour aller dans le parc national Topes de Collantes, dans la montagne de l’Escambray. Horreur : la pluie s’est abattue sur Trinindad en début de matinée, sans pitié. Mais l’excursion en montagne n’a pas été annulée : nous avons pris place à bord d’un camion de convoi militaire russe, en compagnie de quelques français et d’un groupe de bosniaques. Le toit n’étant pas étanche, c’est trempés et frigorifiés que nous sommes arrivés au centre d’information du parc une demi-heure plus tard. Les bosniaques avaient fait tourner (entre eux) leurs fioles d’alcool fort, donc ils géraient un peu mieux la différence de température. Devant nos préoccupations, le guide nous a quand même rassurés en expliquant que, bien que le chemin de rando devait être glissant, il était praticable.

Nous avons eu de la chance : à partir du moment où nous avons commencé à marcher jusqu’au point d’arrivée (un restaurant-camping), la pluie s’est arrêtée. La marche aura duré trois heures au total, en comptant une pause baignade dans un petit lac à cascade. J’avais anticipé en mettant mon maillot de bain, mais je ne m’y suis pas risquée : même les bosniaques ont lâché des petits cris d’inconfort devant la fraîcheur de la température de l’eau.

Pour notre dernier jour à Trinindad, nous avons décidé de prendre un taxi pour parcourir la Valle de los Ingenios. Il s’agit d’une vallée fertile qui a servi à cultiver la canne à sucre de façon intensive jusqu’à l’abolition de l’esclavage et à la révolution. Aujourd’hui on ne cultive presque plus de canne, mais le paysage reste sublime, et la vallée est chargée d’histoire.

Parmi les visites, nous avons particulièrement apprécié celle d’une ancienne usine de sucre. Nous étions les seuls touristes, au milieu d’un décor surréaliste où des machines colorées dignes d’un jeu de construction pour enfant se dressaient de chaque côté, imposantes et drôles à la fois. Seules les marques de rouille témoignaient de l’ancienneté et du vécu de ces machines. Le responsable du musée (c’est comme ça qu’était désigné le lieu, puisque l’usine ne fonctionne plus aujourd’hui) nous a tout expliqué en détail : la crise du sucre à Cuba, le processus de raffinement, les plantations de canne à sucre. Nous avons appris que le sucre était la seconde source de revenus du pays, après le tourisme, et que le pays avait souffert de la baisse du cours du sucre au niveau mondial. Le responsable nous a indiqué qu’il était lui-même ouvrier, qu’il avait perdu son travail quand les usines ont fermé, et que le gouvernement lui avait donné une bourse pour étudier et se reconvertir dans la gestion de bâtiments anciens.

Il nous a précisé que, dans l’exploitation de la canne à sucre, rien ne se perdait : les fibres végétales étaient utilisées comme combustible dans l’usine, les restes de mélasse servaient à faire du rhum, et les déchets organiques présents dans les sucres, une fois séparés, étaient utilisés comme engrais dans les champs.

Dans la biographie du Che, j’ai pu lire une précision supplémentaire : peu de temps après la révolution, Fidel Castro a appelé les agriculteurs à détruire les champs de canne à sucre, symbole de la dépendance de Cuba et du colonialisme, afin d’y planter d’autres cultures pour diversifier leur ressources. Malheureusement, il n’avait pas anticipé un fait crucial : un champ de canne à sucre défriché met dix ans à devenir productif pour d’autres cultures. Ce fut un autre coup dur pour l’économie du pays.

Au revoir Trinidad : après un passage improvisé chez le coiffeur (pour moi !) et un dernier repas en ville, nous prenons le bus en direction de la Havane. Nous avons choisi une casa particular proche du terminal de bus. Notre arrivée tardive ne nous a pas permis de profiter une dernière fois du centre-ville, trop distant.

Nous avons pris l’avion du retour le 23 mars enchantés de ce pays, ravis d’avoir choisi cette destination chaleureuse, humaine, et pleine de surprises. J’avais le cœur serré en partant : deux semaines, c’est trop peu pour connaître ce pays. Je m’y suis attachée très rapidement, et j’étais donc un peu triste de laisser Cuba derrière moi. Enfin, comme l’a dit un français que nous avons rencontré dans le camion russe, « mais pour vous ça va : vous rentrez en Équateur après ! ».

3 commentaires sur Parenthèse cubaine : Viñales et Trinidad

  1. Cette 2ème partie de votre voyage est aussi attrayante que le début. Avec les splendeurs naturelles et les rencontres humaines et animalières enrichissantes. Alcool, tabac, équitation, spéléo….vous savez apprécier les sensations fortes! Quel beau voyage: votre expérience, votre culture, vos qualités vous ont permis de vivre intensément ces 2 semaines. Tu me permets de me plonger dans un pays où je n’irai jamais, avec émerveillement et intérêt. Cela me semble toujours un peu « surréaliste » de suivre vos voyages. Question « surréalisme », je crois que le meilleur est à venir…..
    Merci pour les 2 agréables surprises dans les photos: je suis impatiente de vous serrer dans mes bras….à Barcelone, en plus, peut-être…. Grande aventure pour moi!

  2. Waouh ! En lisant cet article (et chaque article d’ailleurs de vos voyages), j’ai l’impression d’être à nouveau à vos côtés, c’est super ! Alors grand merci, encore une fois 🙂 Bonne continuation à vous deux et à bientôt.

  3. Nous avons montré votre blog à Mamie:
    Vous avez fait un très beau voyage. Vous avez eu raison d’en profiter. Que vous puissiez continuer.
    à bientôt de se voir. Gros bisous.

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